Les minimes |
Equipés de combinaison, de planche, de
palme, garçons et filles, en majorité
des étrangers, s’attèlent, sur le rivage, aux derniers préparatifs. De
ravissantes blondes européennes, en maillot de bain, confortablement assises
sur des chaises, assistent au spectacle. On se croirait à Malibu.
Matinée ensoleillée le dimanche 15 mars
à la plage du virage située à quelques encablures de l’aéroport international
Léopold Sédar Senghor de Yoff. Sur la route menant au village de Ngor, juste
derrière l’hôtel Le virage avec ses
deux étages, une pente raide d’un sentier mène vers un cabanon. Copacabana surf
village, c’est son nom. Sous une extension en bois supportée par des pylônes, sont
installées des tables et des chaises plastiques de couleur blanche. Le bon coin
est plein. Un Européen, torse nu, lunettes de soleil aux yeux et foulard sur la
tête, sirote tranquillement sa bière accompagnée de morceaux de pizza. Sur une
autre table où sont posés une bouteille de Coca-cola et un portable, un homme
de teint noir contemple l’océan. A côté de lui, de jeunes européens vêtus de
combinaison de surf, planche à la main, forment un attroupement. Deux Ivoiriens
marchandent avec une vendeuse d’objets d’art. Sous une tente blanche, un homme
chevelu au nez épaté, de taille moyenne, devant une sonorisation, assure
l’animation. Au loin, le drapeau sénégalais flotte sur le rivage sous l’effet
du vent, au milieu de blocs de pierres noires. Devant lui, sont ordonnés sur
une natte verte, des tableaux en bois sur lesquels sont dessinés un palmier et
une personne. Ce sont les trophées de la première
coupe du Sénégal de surf de la saison en cours. Le gratin de ce sport peu connu
de la population est présent. Oumar Sèye, le vice-président de la Fédération
sénégalaise de surf (FSS), micro à la main, vêtu d’un blouson bleu à bandes
grises, d’un short en jeans de couleur verte et de baskets bleu et blanc, est
le maître de cérémonie. « La fédération organise
chaque saison trois coupes du Sénégal dont l’une se déroule à la plage du
virage et les deux autres à la pointe des Almadies. Ces compétions nous
permettent de dénicher les meilleurs surfeurs sénégalais qui sont sélectionnés
pour représenter notre pays dans des
tournois comme l’Africa tour », informe M. Sèye. Issus des différents clubs
affiliés à la fédération, les surfeurs des catégories minime, benjamin, cadet,
junior, ondine, dropknee et open se sont entrainés toute l’année pour être au
point durant cette joute. L’eau de la mer étant froide, tous les athlètes
portent des combinaisons tantôt noires, tantôt bleues. Certains sont chaussés
de palmes. Une fois le signal du départ donné par un membre de la FSS, les
compétiteurs se jettent à l’eau. Au large, ils se servent de leurs planches
pour surfer sur les vagues, et ce, pendant une demi-heure. L’instance
dirigeante de cette discipline sportive n’a pas lésiné sur les moyens pour
permettre aux sportifs d’être dans les conditions optimales de performance. « Chaque surfeur a une couleur de combinaison
spécifique pour que nous puissions le distinguer des autres. Des juges sont
dans l’eau et d’autres sur le rivage pour évaluer les différentes prestations.
Les surfeurs sont jugés sur la puissance, le style et le choix des vagues. Il
est très important pour le surfeur de se préparer physiquement, mentalement »,
atteste M. Sèye. La cherté des équipements de surf explique sans conteste la
faible participation des nationaux. Cherif Fall, 18 ans, est l’un des rares
sénégalais à participer au tournoi. Il s’est classé deuxième en catégorie open.
Ce Ngorois élancé, au teint noir, pratique le surf depuis quatre ans. Avec son
débit lent et son accent lébou, il évoque avec fierté ses résultats au plan
continental. « J’ai participé à trois
reprises à l’Africa tour, une compétition africaine. Je me suis classé deux
fois troisième et une fois premier », dit-il. Ses prouesses expliquent
sans nul doute le fait qu’Oumar Sèye ait jeté son dévolu sur lui. « Nous avons un système de sponsoring pour
aider les jeunes talentueux. Etant le représentant en
Afrique de l’Ouest de Rip Curl, une marque d’équipements de surf, je sponsorise
des jeunes. Parmi eux, il y a Cherif Fall, qui a paraphé un contrat pour
évoluer en Europe », révèle
M. Sèye. Elève en classe de CM1 à Jean Mermoz, Roman Karitt, est troisième dans
la catégorie bodyboard minime. Ce Libano-français âgé de 10 ans, pratique ce
sport depuis un an. « Le surf me procure
du plaisir. Les compétitions me motivent davantage. J’avoue que j’ai un peu
peur quand les vagues sont dangereuses et qu’il n’y a pas de sauveteurs.
Cependant, quand il y a de bonnes vagues comme en ce moment, c’est agréable »,
dit-il d’une voix fluette.
D’ordinaire,
en cette période de fraîcheur, les clients se font désirer au Copacabana surf
village. L’affluence occasionnée par la compétition est donc appréciée à sa
juste valeur. Moussa Thiaw, la trentaine révolue, vêtu d’un blouson vert, est
le gérant du cabanon. « L’organisation
d’une telle épreuve au “virage” est bénéfique pour nous dans la mesure où notre
clientèle s’accroît. Les affaires ne marchent pas bien en saison froide. Seuls
les Européens et les surfeurs fréquentent la plage durant cette période »,
constate M. Thiaw, qui fait partie de ceux qui ont créé ce cadre enchanteur il y a vingt-sept
ans. « Auparavant, il n’y avait rien ici, excepté l’hôtel Le virage qui
appartenait à Jean Monteiro. Nous sommes ensuite venus nous installer en
aménageant un parking et en construisant une cabane qui est devenue aujourd’hui
le Copacabana surf village »,
se souvient-il. Taille moyenne, lunettes bien fixées sur la tête, ce Lébou,
originaire du village de Ngor, ne cesse de faire des va-et-vient entre le
restaurant et les tables au bord de la plage où attendent impatiemment ses
clients. « Nous vendons des poissons grillés ou braisés, de la boisson.
Nous dispensons aussi des cours de surf et de nage », a-t-il renseigné. Peu après la fin de la
remise des récompenses, le Copacabana surf village se vide de son monde. Certains
à bord de taxi, regagnent leur domicile. D’autres qui avaient garé leurs
véhicules sur le parking, rangent leurs planches dans la malle. « Oh !
Je dois aller à l’école demain »,
dit Roman Karitt. L’endroit retrouve sa quiétude perdue le temps d’une journée
en attendant la prochaine compétition.
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