lundi 7 avril 2014

"Les artistes doivent se produire en spectacle pour combler le vide créé..."



O.V. K. U
Au Sénégal, ils sont de plus en plus nombreux ces jeunes qui se lancent dans la musique. Yoff, une localité située dans la capitale sénégalaise ne déroge pas à la règle et voit des groupes de rap foisonner. O. V. K. U est l'un d'entre-eux. Constitué de trois membres, ce groupe de rap a du talent à revendre. A cœur ouvert avec des "hip-hopeurs" pleins d'ambitions.


Que signifie O.V.K.U ?
Littéralement, O.V.K.U signifie One Vision Kings Up.

Comment ce groupe a vu le jour ?
En fait, c’est la fusion de deux groupes de rap à savoir One Vision et Kings Up qui a donné naissance au groupe O.V.K.U. M-one avait formé son groupe nommé One Vision mais il était seul et Kings Up était composé de Da Offishal et de Lick King, alors on s’est dit pourquoi ne pas créer un groupe.

Pourquoi avez-vous choisi ce nom pour votre groupe ?
Comme on l’a dit tantôt, étant donné qu’on a fusionné les deux groupes, plutôt que de choisir un autre nom, nous avons préféré fusionner les noms des deux groupes. C’est ce qui a donné O.V.K.U. Le nom du groupe reflète en quelque sorte notre savoir-faire et notre personnalité.

Qui sont les membres du groupe ?
Précisons d’emblée qu’O.V.K.U est plus qu’un groupe, c’est une collaboration d’artistes qui ont des objectifs communs à savoir la création d’un label, d’une maison de production etc.
Présentement, nous sommes au nombre de trois (Da Offishal, M-one et Lick King). Nous sommes artistes, compositeurs et interprètes mais nous n’excluons pas la possibilité d’élargir le groupe.

Comment vous vous êtes rencontrés ?
La création du groupe a été quelque chose d’instantané du moment que sans le savoir, nous avions quelque chose en commun à savoir l’amour du rap. On a commencé à écrire des textes de rap dès le secondaire mais de façon individuelle dans la mesure où chacun de nous méconnaissez ce que faisais l’autre.
(Lick King)_Tout est parti de la sortie du premier track de M-one intitulé It’s the time en 2012. Après avoir écouté ce son, ça m’a plu et je me suis dit qu’il fallait que je fasse un duo avec lui. Avant même qu’on ne le fasse, il a sorti un deuxième track intitulé war broke. Par la suite, on a fait ensemble un son en intitulé go get it. A ce moment précis, le groupe n’était pas encore formé. C’est ainsi que Da Offishal est venu nous proposer de reprendre le titre go get it mais au lieu de faire cela, nous avions fait un son intitulé O.V.K.U. C’est le déclic qui nous a amené à créer le groupe en 2013. Cependant, nous nous connaissions depuis l’école secondaire car ayant été dans la même école à savoir les Cours Privés Mame Abdou Dabakh.

Combien de chansons avez-vous à votre actif ?
Présentement, le groupe a à son actif quatre chansons que sont go get it, O.V.K.U, all we do is rap, rappers rap.

Quels sont généralement les thèmes que vous abordez ?
Présentement, nos sons portent plus sur le rêve, le virtuel, le fun, la réussite. Mais nous projetons de faire des sons qui portent sur d’autres thèmes de la vie au quotidien.

Ne pensez-vous pas que le fait de « rapper » en anglais dans un pays francophone constitue un obstacle pour vous ?
Non ! Ce n’est pas un obstacle. Comme on l’a mentionné sur notre page facebook, nous voulons exporter le rap sénégalais et pour ce faire l’anglais est incontournable car étant la langue la plus parlée au monde. De plus, en toute humilité, nous maitrisons plus ou moins l’anglais et cela influe positivement sur notre façon d’écrire avec notamment le choix de mots significatifs.

En procédant de la sorte, est-ce que vous n’excluez pas le marché local ?
Non ! Nous n’excluons pas le marché local mais nous voulons faire du rap qui transcende les frontières. En d’autres termes, nous voulons que notre rap soit international, c’est ce qui explique le choix de l’anglais, une langue internationale étant donné que le wolof ne dépasse pas les frontières sénégalaises. Certains rappeurs disent que le rap sénégalais, de nos jours, est bien connu sur le plan international mais tel n’est pas hélas le cas.

Excluez-vous la possibilité de « rapper » un jour en français voire en wolof ?
Nous envisageons bel et bien de faire des sons en français ou en wolof. Cela dépendra de l’attente de notre public et des moyens dont nous disposons. On prépare présentement un mixtape dans lequel, il y aura des sons qui intégreront à la fois le wolof et le français. Pour rappel, la particularité de notre groupe est le fait que nous « rappons » en anglais mais on peut être tenté de chanter dans toutes les langues même en lingala. 
  
A quand la sortie d’un album ?
On n’y pense pas pour le moment. Présentement, nous nous focalisons sur la préparation de notre mixtape consistant à faire de nos sons les plus écoutés des tubes. Pour le moment, nous ne pouvons pas donner le nombre exact de sons qui sera contenu dans ce mixtape mais il y aura de nouveaux sons.

Comment expliquez-vous l’émergence du rap à Yoff ?
Nous saluons le fait qu’il ait actuellement de nombreux groupes de rap à Yoff mais cela ne signifie pas forcément que le rap marche comme il se doit au plan communal. Pour ce faire, il faudra que la localité se fasse connaitre par son style de rap et par la présence de groupes ayant une renommée nationale. Cela fait défaut à Yoff qu’on le veuille ou non. Ça peut s’expliquer par le fait que les rappeurs yoffois soient réfractaires aux collaborations. On assimile le rap aux navétanes, à une compétition où chacun cherche à tirer son épingle du jeu. Ce qui ne devrait pas être le cas.
A Sacré-Cœur par exemple, il y a une collaboration entre des rappeurs locaux et ceux venant d’autres horizons portant le nom de zone rouge qui cartonne et arrive à se faire connaitre du grand public. C’est cette synergie des forces qui nous manque.
Certes, la concurrence entre les différents groupes de la localité est normale mais cela ne doit pas pousser les gens à se recroqueviller sur eux car le rap a dépassé ce stade.  Cette concurrence doit être saine et doit porter essentiellement sur la qualité des sons, sur les textes, sur les flows... En d’autres termes, que tous les groupes essayent de se surpasser pour donner le meilleur d’eux-mêmes au lieu de se jalouser.
De plus, nous pensons qu’il n’y a pas d’émergence du rap à Yoff dans la mesure où le culte de l’effort n’est pas assez ancré chez les rappeurs yoffois. Les gens se précipitent pour sortir des sons alors qu’ils devraient au préalable prendre le temps d’étudier le rap comme on a eu à le faire. Il y a un travail de documentation qui fait défaut et certains font une mauvaise copie de ce qu’ils voient à la télévision.

Quel regard jetez-vous sur le rap sénégalais ?
On peut dire que les choses bougent. Comme son nom l’indique le rap galsen s’intéresse uniquement au Sénégal. En quelque sorte, c’est du « consommons local » du moment que les productions ne cartonnent qu’au Sénégal, l’extérieur étant exclu.
Le rap n’a pas d’identité, cela s’explique par le fait qu’un Sénégalais puisse écouter Lil Wayne, Rick Ross etc.
Cependant, le rap galsen ne marche pas dans la mesure où on n’utilise pas les sons galsen dans les discothèques mais plutôt des sons américains. Tel est le cas pour les spots publicitaires, ce qui veut dire que le rap galsen n’est pas véritablement consommé. Les rappeurs sénégalais n’essaient pas de rendre international leur rap. Ils se sont renfermés sur eux-mêmes. Ils n’essaient pas de conquérir d’autres horizons mais cherchent uniquement à satisfaire le public sénégalais, qui d’ailleurs ne l’est pas car si tel était le cas, il allait consommer comme il se doit les productions locales.
Les rappeurs ne parviennent même pas à écouler leurs albums. Au Sénégal, il n’y a pas de rappeurs milliardaires. Contrairement au Nigéria où on trouve des rappeurs qui vivent de leur métier et qui ne manquent de rien. Minimes sont ceux au Sénégal qui peuvent affirmer que le rap a fait d’eux des riches à quelques exceptions près. On a Awadi et qui d’autre ? Si on s’aventure à comparer les retombées financières des rappeurs sénégalais avec celles d’artistes étrangers notamment nigérians, le constat sera amer.

N’est-il pas possible d’exporter le rap galsen avec le wolof comme langue ?
Je vous donne l’exemple d’un Sénégalais qui écoute un son de Lil Wayne, il peut aimer la musique mais ne comprenant pas l’anglais, il ne va pas acheter un album de ce dernier. De la même façon, un étranger peut aimer un son d’un rappeur sénégalais mais n’achètera pas d’album car ne comprenant pas la langue. Le rap au Sénégal n’est pas considéré comme une industrie. De plus, si les rappeurs se retrouvaient autour de l’essentiel et faisaient taire leurs divergences, il y aurait une possibilité d'exporter notre rap. Mais cela est à relativiser.
Le monde avance, la technologie et les manières de faire aussi. De ce fait, il faut que les rappeurs sénégalais suivent cette évolution. Le rap est devenu partout une industrie sauf au Sénégal où il n’y a pas de grandes maisons de disques qui font de grands chiffres d’affaires, qui engagent de bons techniciens, qui investissent dans l’achat de matériels de production de pointe. Ce vocabulaire industriel est totalement absent dans le milieu du rap au Sénégal. Il y a un problème d’organisation, de structuration.

Que faut-il faire selon vous face à la mévente des productions artistiques ?
Il faut savoir que le public sénégalais consomme plus par écoute que par achat. Par conséquent, notre musique ne doit pas cibler uniquement les Sénégalais. Le Sénégal est un petit pays et le pouvoir d’achat des populations n’est pas énorme. Donc un artiste sénégalais, pour vivre de son propre art, ne doit pas se limiter uniquement au marché local. De plus, un artiste qu’il soit sculpteur, peintre, musicien aspire toujours à avoir une renommée universelle.
Les artistes doivent se produire en spectacle pour combler le vide créé par le non achat des productions locales mais cela nécessite des moyens financiers que n’ont pas la plupart des musiciens. C’est là le véritable problème du hip-hop sénégalais étant donné qu’il n’y a pas assez de producteurs capables d’organiser des spectacles et de payer de grands cachets aux artistes. 

Qui sont vos idoles dans le milieu de la musique ?
(Lick King)_Est mon idole, tout artiste qui fait de la bonne musique.
(M-one)_Le futur est mon idole par rapport à ce que je deviendrai musicalement parlant.
(Da Offishal)_La légende Michael Jackson est mon idole.

En dehors du rap, que faites vous dans la vie ?
(Lick King)_Je suis étudiant en troisième année en transport logistique à l’IMAN (Institut de Management).
(M-one)_Je suis étudiant en première année d’anglais à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
(Da Offishal)_Je suis étudiant en master 1 d’anglais à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Quels sont vos objectifs à court terme ?
Pour le moment, nous sommes dans les préparatifs de notre mixtape. Nous sommes un groupe ouvert et toute collaboration est la bienvenue. Ce n’est pas encore ficelé, mais nous sommes en pourparlers avec des artistes locaux pour sceller des partenariats. On ne se limite pas à la seule localité de Yoff, des collaborations avec des artistes venant des autres localités, de l’étranger peuvent aussi se nouer dans le futur. On a aussi des projets de tee-shirts dans la mesure où on assimile notre groupe à une entreprise au vrai sens du terme. Bref, on envisage de faire du business, ce qui nous permettra d’être autonomes et de pouvoir nous autoproduire.

2 commentaires:

  1. nice interview les gars. et du courage, sa ira bien un jour. et felecitation a ibrahima dione aussi

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