Le Sénégal, à l’instar du Gabon
et du Cameroun, s’est doté d’un nouveau plan pour atteindre l’émergence. Il
s’agit du Plan Sénégal Émergent qui « constitue le référentiel de la
politique économique et sociale sur le moyen et le long termes. » Dans
l’immédiat, le Sénégal veut atteindre 7% de taux de croissance durant la
première période de mise en œuvre dudit plan (2014 - 2018). L’objectif final
est l’émergence en 2035.
D’emblée, il faut mentionner que
le Sénégal n’en est pas à son premier plan économique. En effet, depuis
l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, bien des programmes
ont été élaborés par les gouvernants. L’on peut citer entre autres le Plan
Quadriennal de Développement, le Document Stratégique pour la croissance et la Réduction
de la Pauvreté, la Stratégie de Croissance Accélérée, la Stratégie Nationale de
Développement Économique et Sociale. Hélas, tous ces plans n’ont pas permis au
Sénégal de se départir de son étiquette de Pays Moins Avancé. Pis, avec un taux de croissance de 4,6%
en 2014, le Sénégal est devancé par de nombreux pays de l’espace Cédéao.
C’est dans ce contexte que
s’inscrit l’avènement du Plan Sénégal Émergent. Le PSE, c’est vingt-sept
projets phares et dix-sept réformes majeures qui s’articulent autour de trois
axes : transformation structurelle de
l’économie et croissance ; capital humain, protection sociale et développement
durable ; gouvernance, institutions, paix et sécurité. Élaboré par le
Cabinet McKinsey, le PSE nécessite un
financement évalué à 10. 000 milliards de Francs CFA dont la majorité
est assurée par le Sénégal. Lors du Groupe consultatif de Paris en 2014, des
engagements de financement évalués à 3 729 milliards de francs Cfa ont été
enregistrés. Cette année, le ministère de l’Économie, des finances et du plan,
a affirmé que 3 077 milliards de francs Cfa ont été reçus soit un taux de
concrétisation des engagements de 79%.
Cet
ambitieux projet peut-il garantir le décollage économique du Sénégal ?
Il est de notoriété publique
qu’une économie diversifiée garantit une croissance stable. C’est la raison
pour laquelle, le PSE, dans son axe premier, mise sur le développement de
l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de l’aquaculture et de l’industrie
agroalimentaire. Le principal objectif étant « de renforcer la sécurité alimentaire et de rééquilibrer la balance
commerciale dégradée par les importations de produits alimentaires. » Le
secteur du BTP n’est pas en rade. Car, l’ambition est de créer « une filière de la construction intégrée
dotée d’un potentiel de rayonnement régional. » Il est aussi prévu le
basculement des activités du secteur informel comme l’artisanat, le transport
et le commerce vers l’économie formelle. Ce qui permettrait à l’État d’avoir
plus de recettes. Le Sénégal veut aussi profiter entièrement de sa position géographique
stratégique afin d’être un « hub
logistique industriel régional et un hub multiservices. »
Dans l’axe 2, l’accent est mis
sur la lutte contre la pauvreté extrême avec notamment des politiques comme la
bourse de sécurité familiale et la couverture maladie universelle. Objectif,
soustraire des milliers de Sénégalais de la précarité. Et enfin, « la réalisation de tous ces objectifs
nécessitera le renforcement de la sécurité, de la stabilité et de la
gouvernance pris en charge par l’axe 3. »
Quelles
sont les entraves aux positives projections ?
Certaines donnes et non pas des
moindres, occultées par le PSE, peuvent faire s’écrouler comme un château de
carte tous les espoirs d’émergence malgré la ferme volonté affichée par les
autorités étatiques.
Le lancinant problème du chômage
est rendu plus accru par l’inadéquation entre la formation et l’emploi. Des
milliers de jeunes sortent, chaque année, diplômés des universités et instituts
sans possibilités d’insertion professionnelle. D’où l’urgence de repenser le
système éducatif sénégalais.
Pour ce qui est de l’agriculture,
la mécanisation est encore trop embryonnaire pour permettre au Sénégal d’être
autosuffisant. En effet, l’agriculture familiale reste dominante avec des
techniques de culture archaïques. Il faut donc outiller davantage les paysans
et les former.
Dans le contexte sénégalais
actuel, les Petites et Moyennes Entreprises sont totalement à l’abandon et ne survivent que grâce aux capacités
d’adaptation de leurs promoteurs. Ces entreprises représentant 90% du tissu
économique, ne bénéficient, dans le cadre du PSE, que d’une baisse fiscale.
L’Impôt sur les sociétés passe de 30 à 25%. Cette mesure semble insuffisante
pour booster l’activité économique.
Le Sénégal ne maîtrise pas les
leviers qui conditionnent le cadre macroéconomique, c’est-à-dire la politique
monétaire et de change. En sus, le franc CFA s’avère être une monnaie rigide et
surévaluée. Ce qui accentue donc la spécialisation du Sénégal en fournisseur de
matières premières et exportateur net de
profits. Cela défavorise toute industrialisation, gage du développement.
Dans le cadre du PSE, le Sénégal
se fixe l’objectif de créer 350 000 emplois net en 10 ans soit 35 000 par an. Si l’on sait qu’entre 2001 et 2009, seulement
1600 emplois ont été créés par an dans le secteur formel, la ratification des
APE va rendre encore plus utopiques ces milliers de postes promis aux jeunes.
En effet, l’État du Sénégal s’est
engagé, le 10 juillet 2014 à Abuja au Nigéria, à ratifier les Accords de
Partenariat Économique (APE) qui vont acter le libre échange entre l’Afrique et
l’Union Européenne. De nombreux économistes estiment que l’entrée en vigueur de
ces accords va porter un coup fatal aux fragiles entreprises africaines avec la
libéralisation des importations. Les PME et PMI sénégalaises risquent, au plan
national, de perdre du terrain au profit des sociétés européennes. Le revers de
la médaille est que les entreprises sénégalaises peuvent se voir refuser
l’accès au marché européen si elles ne remplissent pas certaines normes.
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