dimanche 8 mai 2016

Le Plan Sénégal Emergent : forces et faiblesses



Le Sénégal, à l’instar du Gabon et du Cameroun, s’est doté d’un nouveau plan pour atteindre l’émergence. Il s’agit du Plan Sénégal Émergent qui « constitue le référentiel de la politique économique et sociale sur le moyen et le long termes. » Dans l’immédiat, le Sénégal veut atteindre 7% de taux de croissance durant la première période de mise en œuvre dudit plan (2014 - 2018). L’objectif final est l’émergence en 2035.

D’emblée, il faut mentionner que le Sénégal n’en est pas à son premier plan économique. En effet, depuis l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, bien des programmes ont été élaborés par les gouvernants. L’on peut citer entre autres le Plan Quadriennal de Développement, le Document Stratégique pour la croissance et la Réduction de la Pauvreté, la Stratégie de Croissance Accélérée, la Stratégie Nationale de Développement Économique et Sociale. Hélas, tous ces plans n’ont pas permis au Sénégal de se départir de son étiquette de Pays Moins Avancé. Pis, avec un taux de croissance de 4,6% en 2014, le Sénégal est devancé par de nombreux pays de l’espace Cédéao.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’avènement du Plan Sénégal Émergent. Le PSE, c’est vingt-sept projets phares et dix-sept réformes majeures qui s’articulent autour de trois axes : transformation structurelle de l’économie et croissance ; capital humain, protection sociale et développement durable ; gouvernance, institutions, paix et sécurité. Élaboré par le Cabinet McKinsey, le PSE nécessite un  financement évalué à 10. 000 milliards de Francs CFA dont la majorité est assurée par le Sénégal. Lors du Groupe consultatif de Paris en 2014, des engagements de financement évalués à 3 729 milliards de francs Cfa ont été enregistrés. Cette année, le ministère de l’Économie, des finances et du plan, a affirmé que 3 077 milliards de francs Cfa ont été reçus soit un taux de concrétisation des engagements de 79%.

Cet ambitieux projet peut-il garantir le décollage économique du Sénégal ? 
Il est de notoriété publique qu’une économie diversifiée garantit une croissance stable. C’est la raison pour laquelle, le PSE, dans son axe premier, mise sur le développement de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de l’aquaculture et de l’industrie agroalimentaire. Le principal objectif étant « de renforcer la sécurité alimentaire et de rééquilibrer la balance commerciale dégradée par les importations de produits alimentaires. » Le secteur du BTP n’est pas en rade. Car, l’ambition est de créer « une filière de la construction intégrée dotée d’un potentiel de rayonnement régional. » Il est aussi prévu le basculement des activités du secteur informel comme l’artisanat, le transport et le commerce vers l’économie formelle. Ce qui permettrait à l’État d’avoir plus de recettes. Le Sénégal veut aussi profiter entièrement de sa position géographique stratégique afin d’être un « hub logistique industriel régional et un hub multiservices. »
Dans l’axe 2, l’accent est mis sur la lutte contre la pauvreté extrême avec notamment des politiques comme la bourse de sécurité familiale et la couverture maladie universelle. Objectif, soustraire des milliers de Sénégalais de la précarité. Et enfin, « la réalisation de tous ces objectifs nécessitera le renforcement de la sécurité, de la stabilité et de la gouvernance pris en charge par l’axe 3. »
  
Quelles sont les entraves aux positives projections ?
Certaines donnes et non pas des moindres, occultées par le PSE, peuvent faire s’écrouler comme un château de carte tous les espoirs d’émergence malgré la ferme volonté affichée par les autorités étatiques.
Le lancinant problème du chômage est rendu plus accru par l’inadéquation entre la formation et l’emploi. Des milliers de jeunes sortent, chaque année, diplômés des universités et instituts sans possibilités d’insertion professionnelle. D’où l’urgence de repenser le système éducatif sénégalais.  
Pour ce qui est de l’agriculture, la mécanisation est encore trop embryonnaire pour permettre au Sénégal d’être autosuffisant. En effet, l’agriculture familiale reste dominante avec des techniques de culture archaïques. Il faut donc outiller davantage les paysans et les former.
Dans le contexte sénégalais actuel, les Petites et Moyennes Entreprises sont totalement à l’abandon  et ne survivent que grâce aux capacités d’adaptation de leurs promoteurs. Ces entreprises représentant 90% du tissu économique, ne bénéficient, dans le cadre du PSE, que d’une baisse fiscale. L’Impôt sur les sociétés passe de 30 à 25%. Cette mesure semble insuffisante pour booster l’activité économique. 
Le Sénégal ne maîtrise pas les leviers qui conditionnent le cadre macroéconomique, c’est-à-dire la politique monétaire et de change. En sus, le franc CFA s’avère être une monnaie rigide et surévaluée. Ce qui accentue donc la spécialisation du Sénégal en fournisseur de matières premières et exportateur net  de profits. Cela défavorise toute industrialisation, gage du développement.
Dans le cadre du PSE, le Sénégal se fixe l’objectif de créer 350 000 emplois net en 10 ans soit 35 000 par an.  Si l’on sait qu’entre 2001 et 2009, seulement 1600 emplois ont été créés par an dans le secteur formel, la ratification des APE va rendre encore plus utopiques ces milliers de postes promis aux jeunes.
En effet, l’État du Sénégal s’est engagé, le 10 juillet 2014 à Abuja au Nigéria, à ratifier les Accords de Partenariat Économique (APE) qui vont acter le libre échange entre l’Afrique et l’Union Européenne. De nombreux économistes estiment que l’entrée en vigueur de ces accords va porter un coup fatal aux fragiles entreprises africaines avec la libéralisation des importations. Les PME et PMI sénégalaises risquent, au plan national, de perdre du terrain au profit des sociétés européennes. Le revers de la médaille est que les entreprises sénégalaises peuvent se voir refuser l’accès au marché européen si elles ne remplissent pas certaines normes.

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