Renaud Lambert, journaliste au Monde diplomatique |
L’adaptation télévisée du livre de
Serge Halimi « Les nouveaux chiens
de garde », a été visionnée le
mercredi 7 janvier dernier par les étudiants du Centre d’Études des Sciences et
Techniques de l’Information (Cesti) dans le cadre des traditionnels carrefours
d’actualité. Cette activité a vu la présence de Renaud Lambert, journaliste au Monde diplomatique.
Les
médias, ensemble des moyens de diffusion des informations au public, occupent,
au fil des années, une place prépondérante au sein des sociétés dites modernes.
L’importance de ceux-ci a fait dire à l’ancien président américain Abraham
Lincoln qu’une presse sans pouvoir vaut mieux qu’un pouvoir sans presse. Cependant,
vu le pouvoir illimité qu’on attribue aux médias, les politiques de même que
les grands industriels, ont senti la nécessité de maîtriser ce moyen de
communication pour asseoir leur domination. Cette entreprise d’une frange de la
population déteint sur le journaliste qui, du coup, perd son indépendance, son
objectivité. La presse est devenue l’apanage des hommes d’affaires à la tête de
grands groupes industriels du fait de l’énorme coût de création d’une
entreprise de presse. Ces patrons d’entreprises, qui ne font que défendre leurs
propres intérêts, orientent les informations à leur convenance. Ce fut le cas
lors de l’arrêt des constructions dans une centrale nucléaire en France. Le
marché ayant été gagné par le groupe Bouygues en 2008, la TF1, appartenant à ce
groupe, a fait, ce jour là le choix d’ignorer cette information malgré son
intérêt national.
A
force de fréquenter les politiques, les journalistes finissent aussi par être
liés à ceux-ci pour former une “famille”. Les journalistes, censés informer
juste et vrai, deviennent ce que Serge Halimi appelle « les nouveaux chiens de garde » au
service des pouvoirs politique et économique.
De
plus, les médias font les mythes. Ils mettent au devant de la scène des
personnes et de façon sournoise rendent sacrées les paroles de ces dernières.
Ces nouveaux “experts” tirent profit de leur aura consécutive à une propagande
télévisuelle en surfacturant leurs conférences. Ces pseudos experts avec la
complicité de certains journalistes, investissent aussi le champ médiatique
pour défendre les intérêts néolibéraux. Ils font généralement l’apologie de la
pensée unique économique lors de nombreuses émissions dont ils sont les
invités exclusifs. Les économistes, qui défendent le néolibéralisme, ont ainsi
eu une grande part de responsabilité dans la crise financière mondiale de 2008
résultant de la crise des subprimes aux États-Unis. C’est la fameuse théorie de
l’agenda ou agenda-setting développée par Mc Combs et Shaw. Selon celle-ci, les
médias attirent l’attention des publics, non seulement sur des personnalités
dont ils font des stars, mais aussi sur des évènements sociaux. Ils contribuent
à définir le calendrier des évènements et à établir une hiérarchie entre les
sujets. Cette fonction de structuration de la vie sociale est d’autant plus
manifeste que les téléspectateurs, auditeurs et lecteurs n’ont pas la
possibilité de prêter attention à la multitude des messages diffusés.
Étant les propriétaires de bon nombre de groupes de presse, les industriels font
montre d’ingéniosité en ayant recours dans bien des cas à la diversion pour
sauvegarder leurs avantages. L’affaire d’Outreau (affaire pénale d’abus sexuel
sur mineurs en France en 2004) en est un exemple manifeste. Des journaux comme Le Parisien, Le Monde, Libération ou
encore Le Figaro, ont, à maintes
reprises, consacré leurs Unes à cette affaire au détriment d’un rapport
accablant sur la pollution de l’air publié par l’Organisation Mondiale de
la Santé (OMS).
Dès
lors qu’ils acquièrent une certaine renommée, certains journalistes rompent le
contrat qui les lie avec le public. A leurs débuts, ils s’érigent en défenseurs
des populations lésées dans l’optique de taper dans l’œil de l’État ou de
grands entrepreneurs pour un potentiel recrutement. Les journalistes deviennent
du coup des globe-trotters.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire