lundi 18 mai 2015

Coupe du Sénégal de surf : à la conquête des vagues


Les minimes

Equipés de combinaison, de planche, de palme, garçons et filles, en majorité des étrangers, s’attèlent, sur le rivage, aux derniers préparatifs. De ravissantes blondes européennes, en maillot de bain, confortablement assises sur des chaises, assistent au spectacle. On se croirait à Malibu.  

Matinée ensoleillée le dimanche 15 mars à la plage du virage située à quelques encablures de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor de Yoff. Sur la route menant au village de Ngor, juste derrière l’hôtel Le virage avec ses deux étages, une pente raide d’un sentier mène vers un cabanon. Copacabana surf village, c’est son nom. Sous une extension en bois supportée par des pylônes, sont installées des tables et des chaises plastiques de couleur blanche. Le bon coin est plein. Un Européen, torse nu, lunettes de soleil aux yeux et foulard sur la tête, sirote tranquillement sa bière accompagnée de morceaux de pizza. Sur une autre table où sont posés une bouteille de Coca-cola et un portable, un homme de teint noir contemple l’océan. A côté de lui, de jeunes européens vêtus de combinaison de surf, planche à la main, forment un attroupement. Deux Ivoiriens marchandent avec une vendeuse d’objets d’art. Sous une tente blanche, un homme chevelu au nez épaté, de taille moyenne, devant une sonorisation, assure l’animation. Au loin, le drapeau sénégalais flotte sur le rivage sous l’effet du vent, au milieu de blocs de pierres noires. Devant lui, sont ordonnés sur une natte verte, des tableaux en bois sur lesquels sont dessinés un palmier et une personne. Ce sont les trophées de la première coupe du Sénégal de surf de la saison en cours. Le gratin de ce sport peu connu de la population est présent. Oumar Sèye, le vice-président de la Fédération sénégalaise de surf (FSS), micro à la main, vêtu d’un blouson bleu à bandes grises, d’un short en jeans de couleur verte et de baskets bleu et blanc, est le maître de cérémonie. « La fédération organise chaque saison trois coupes du Sénégal dont l’une se déroule à la plage du virage et les deux autres à la pointe des Almadies. Ces compétions nous permettent de dénicher les meilleurs surfeurs sénégalais qui sont sélectionnés pour représenter notre pays  dans des tournois comme l’Africa tour », informe M. Sèye. Issus des différents clubs affiliés à la fédération, les surfeurs des catégories minime, benjamin, cadet, junior, ondine, dropknee et open se sont entrainés toute l’année pour être au point durant cette joute. L’eau de la mer étant froide, tous les athlètes portent des combinaisons tantôt noires, tantôt bleues. Certains sont chaussés de palmes. Une fois le signal du départ donné par un membre de la FSS, les compétiteurs se jettent à l’eau. Au large, ils se servent de leurs planches pour surfer sur les vagues, et ce, pendant une demi-heure. L’instance dirigeante de cette discipline sportive n’a pas lésiné sur les moyens pour permettre aux sportifs d’être dans les conditions optimales de performance. « Chaque surfeur a une couleur de combinaison spécifique pour que nous puissions le distinguer des autres. Des juges sont dans l’eau et d’autres sur le rivage pour évaluer les différentes prestations. Les surfeurs sont jugés sur la puissance, le style et le choix des vagues. Il est très  important pour le surfeur  de se préparer physiquement, mentalement », atteste M. Sèye. La cherté des équipements de surf explique sans conteste la faible participation des nationaux. Cherif Fall, 18 ans, est l’un des rares sénégalais à participer au tournoi. Il s’est classé deuxième en catégorie open. Ce Ngorois élancé, au teint noir, pratique le surf depuis quatre ans. Avec son débit lent et son accent lébou, il évoque avec fierté ses résultats au plan continental. « J’ai participé à trois reprises à l’Africa tour, une compétition africaine. Je me suis classé deux fois troisième et une fois premier », dit-il. Ses prouesses expliquent sans nul doute le fait qu’Oumar Sèye ait jeté son dévolu sur lui. « Nous avons un système de sponsoring pour aider les jeunes talentueux. Etant le représentant en Afrique de l’Ouest de Rip Curl, une marque d’équipements de surf, je sponsorise des jeunes. Parmi eux, il y a Cherif Fall, qui a paraphé un contrat pour évoluer en Europe », révèle M. Sèye. Elève en classe de CM1 à Jean Mermoz, Roman Karitt, est troisième dans la catégorie bodyboard minime. Ce Libano-français âgé de 10 ans, pratique ce sport depuis un an. « Le surf me procure du plaisir. Les compétitions me motivent davantage. J’avoue que j’ai un peu peur quand les vagues sont dangereuses et qu’il n’y a pas de sauveteurs. Cependant, quand il y a de bonnes vagues comme en ce moment, c’est agréable », dit-il d’une voix fluette.   
D’ordinaire, en cette période de fraîcheur, les clients se font désirer au Copacabana surf village. L’affluence occasionnée par la compétition est donc appréciée à sa juste valeur. Moussa Thiaw, la trentaine révolue, vêtu d’un blouson vert, est le gérant du cabanon. « L’organisation d’une telle épreuve au “virage” est bénéfique pour nous dans la mesure où notre clientèle s’accroît. Les affaires ne marchent pas bien en saison froide. Seuls les Européens et les surfeurs fréquentent la plage durant cette période », constate M. Thiaw,  qui fait partie de ceux qui ont créé ce cadre enchanteur il y a vingt-sept ans. « Auparavant, il n’y avait rien ici, excepté l’hôtel Le virage qui appartenait à Jean Monteiro. Nous sommes ensuite venus nous installer en aménageant un parking et en construisant une cabane qui est devenue aujourd’hui le Copacabana surf village », se souvient-il. Taille moyenne, lunettes bien fixées sur la tête, ce Lébou, originaire du village de Ngor, ne cesse de faire des va-et-vient entre le restaurant et les tables au bord de la plage où attendent impatiemment ses clients.  « Nous vendons des poissons grillés ou braisés, de la boisson. Nous dispensons aussi des cours de surf et de nage », a-t-il renseigné. Peu après la fin de la remise des récompenses, le Copacabana surf village se vide de son monde. Certains à bord de taxi, regagnent leur domicile. D’autres qui avaient garé leurs véhicules sur le parking, rangent leurs planches dans la malle. « Oh ! Je dois aller à l’école demain », dit Roman Karitt. L’endroit retrouve sa quiétude perdue le temps d’une journée en attendant la prochaine compétition.

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